Malawi. L’impunité favorise les homicides de personnes albinos en vue de prélever certaines parties de leur corps

*   La justice pénale, défaillante, manque à son devoir envers les personnes albinos.

*   21 personnes albinos ont été assassinées depuis novembre 2014.

*   Amnesty International demande que les responsables présumés de ces actes soient déférés à la justice.

Les autorités du Malawi doivent de toute urgence restructurer le système judiciaire pénal afin de protéger les personnes albinos, qui demeurent menacées de mort en vue du prélèvement de certaines parties de leur corps, dans un pays où la vaste majorité de ces crimes ne sont pas élucidés et restent impunis, a déclaré Amnesty International le 28 juin 2018.

Depuis novembre 2014, le nombre d’agressions recensées contre des personnes albinos au Malawi s’élève à 148, dont 14 meurtres et sept tentatives de meurtre, d’après les chiffres de la police. Toutefois, Amnesty International a établi qu’au moins 21 personnes albinos ont été tuées depuis 2014.

« Justice doit être rendue aux personnes albinos pour ces crimes ignobles et haineux. Qu’il faille autant de temps pour enquêter sur les affaires et les présenter devant les tribunaux en dit long sur les lacunes systémiques de la justice pénale au Malawi, a déclaré Deprose Muchena, directeur régional pour l’Afrique australe à Amnesty International.

« Les autorités doivent en finir avec l’impunité pour ces crimes. Première étape, elles doivent veiller à ce que toutes les affaires en instance soient traitées sans retard injustifié et dans le respect des normes internationales d’équité. »

Dans son nouveau rapport intitulé End violence against people with albinism: Towards effective criminal justice for people with albinism in Malawi, Amnesty International a constaté que les personnes albinos mettent très longtemps à obtenir justice.

La durée pour faire aboutir une affaire est plus longue que pour les autres enquêtes pénales. Sur les 148 cas d’agressions recensés contre des personnes albinos, seules 30 % des enquêtes ont été menées à bien, selon les derniers chiffres de la police malawienne et du ministère de la Justice et des Affaires constitutionnelles. Seuls un meurtre et une tentative de meurtre ont donné lieu à des poursuites.

La police elle-même a fait part à Amnesty International de ses préoccupations quant aux retards empêchant la conclusion des procès, en raison du nombre limité de magistrats qualifiés pour traiter les affaires concernant des personnes albinos.

Dans son rapport de 2016, Amnesty International révélait que les personnes albinos sont agressées en grande partie en raison de croyances selon lesquelles certaines parties de leur corps portent bonheur et attirent la richesse.

Derniers homicides

Parmi les dernières victimes figure Mark Masambuka, 22 ans, originaire du village de Nakawa, dans le district de Machinga, dans le sud du Malawi. Il a « disparu » le 9 mars. Il a quitté son domicile pour aller acheter un tapis en compagnie d’un ami. Son corps a été retrouvé, enterré de manière superficielle, le 1er avril.

Le 7 décembre 2017, Jean Ngwedula, une fillette de deux ans, a été portée disparue. Son père l’aurait vendue à un guérisseur traditionnel pour des rituels au Mozambique voisin, identifié à l’instar de la République démocratique du Congo, de l’Afrique du Sud, du Swaziland et de la Tanzanie, comme des marchés pour le trafic transfrontalier de morceaux de corps humain.

Le père de Jean a été arrêté par la suite et inculpé de meurtre. Les investigations se poursuivent au moment où nous publions ce document.

Défaillances du système judiciaire

Les magistrats, les procureurs et la police du Malawi sont confrontés à un manque criant de ressources financières et de personnel qualifié pour gérer les crimes visant les personnes albinos, ce qui se traduit par d’importants retards dans le traitement des dossiers.

Les affaires graves sont traitées par les tribunaux de première instance, mais la plupart des procureurs sont des policiers n’ayant pas de formation juridique.

Selon un haut magistrat interviewé par Amnesty International, la plupart des policiers chargés d’engager des poursuites ont bien du mal à présenter des dossiers juridiques en bonne et due forme, ce qui débouche trop souvent sur des acquittements ou des inculpations pour des infractions moins graves.

Mettre fin au cycle des homicides

Amnesty International salue le fait que le gouvernement a de nouveau pris l’engagement de protéger les droits des personnes albinos à l’occasion de la Journée internationale de sensibilisation à l’albinisme le 13 juin 2018, à Kasungu.

Elle estime toutefois qu’il doit mettre en place une stratégie des droits humains, mettant l’accent sur l’éducation aux droits humains et la sensibilisation, en vue de s’attaquer aux causes profondes des crimes visant les albinos et de prévenir de nouvelles agressions.

Dans le cadre de cette stratégie, il importe de tracer et d’identifier la source de la demande en parties de corps humain, et de faire appel à la coopération des pays voisins du Malawi afin d’éliminer le trafic transfrontalier des personnes albinos et les prélèvements.

« Les autorités du Malawi doivent faire en sorte que les personnes albinos ne vivent plus dans la peur des bandes criminelles organisées qui convoitent des parties de leur corps. Le gouvernement doit restructurer le système judiciaire afin de garantir leur sécurité, car elles comptent parmi les personnes les plus exposées dans la société malawienne », a déclaré Deprose Muchena.

Complément d’information

Depuis novembre 2014, on assiste au Malawi à une vague sans précédent d’homicides et d’atteintes aux droits fondamentaux visant des personnes albinos, victimes d’enlèvements et de vols notamment. Des actes similaires se sont déroulés dans des pays voisins, tels que le Mozambique, la Tanzanie et l’Afrique du Sud.

Les personnes albinos sont visées en raison de croyances, selon lesquelles certaines parties de leur corps ont des pouvoirs magiques. On estime que la population d’albinos au Malawi est actuellement comprise entre 7 000 et 10 000, ce qui représente 1 personne sur 1 800.

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